L’orientation scolaire et professionnelle constitue une étape déterminante dans la vie d’un étudiant. Dans ce processus, de nombreux facteurs interviennent, mais l’influence familiale occupe une place prépondérante. Que cette influence soit explicite, à travers des directives ou des attentes claires, ou plus implicite, par le biais de modèles et de valeurs transmises, la famille façonne souvent les aspirations éducatives et professionnelles des jeunes. Nous examinerons ici les divers mécanismes par lesquels la famille influence les choix d’études, ainsi que les conséquences possibles de cette influence.
Le rôle fondamental de la famille dans l'orientation scolaire
La famille est le premier cercle social auquel un individu appartient, et son impact sur le choix des études est indéniable. Dès l’enfance, les parents transmettent des valeurs, des idées sur la réussite et des visions du monde qui orientent progressivement les jeunes vers certaines voies professionnelles. Selon M.Gadot, directrice people & culture chez Hays, la famille exerce une influence subtile, souvent inconsciente, mais profondément ancrée dans la manière dont les jeunes perçoivent leur avenir.
Les parents jouent un rôle essentiel en transmettant leurs propres visions du succès et de la carrière. Dans certaines familles, le prestige social et la stabilité financière sont valorisés, incitant les jeunes à privilégier des carrières dans des domaines jugés sûrs et respectés, tels que la médecine, le droit ou l’ingénierie. La tradition familiale peut ainsi conduire les enfants à poursuivre des études similaires à celles de leurs parents, en vue de perpétuer un héritage professionnel.
De plus, les parents, souvent premiers modèles professionnels pour leurs enfants, façonnent les perceptions des jeunes vis-à-vis du monde du travail. Leurs succès, échecs et sacrifices laissent une empreinte durable. Cette influence se manifeste parfois de manière insidieuse, par des attitudes, des comportements ou des récits partagés au sein du cercle familial.
L’impact des attentes familiales sur les aspirations d'études
Les attentes parentales, qu’elles soient implicites ou explicites, exercent une pression qui peut déterminer les choix d’études. Pour certains étudiants, répondre à ces attentes est perçu comme un moyen de maintenir l’harmonie familiale et d’obtenir la reconnaissance de leurs parents. Toutefois, cette pression peut aussi générer des tensions lorsque les aspirations personnelles diffèrent de celles de la famille.
D’après une étude de 2018 du CREDOC, dans de nombreuses familles, suivre la voie professionnelle tracée par les générations précédentes représente une forme de continuité et de fierté. Il ne s’agit pas seulement de poursuivre une carrière, mais de maintenir un héritage familial, que ce soit dans le domaine de la finance, la médecine ou d’autres professions valorisées. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les familles où certaines professions incarnent des valeurs fortes, telles que le dévouement ou le service à la communauté.
Aujourd’hui, les jeunes sont souvent amenés à faire des choix d’orientation très tôt, parfois avant même d’avoir exploré toutes les possibilités qui s’offrent à eux. Cette précipitation est souvent dictée par l’influence familiale, qui oriente vers des choix perçus comme « sûrs » ou prestigieux, mais qui peuvent limiter l’ouverture d’esprit et la découverte d’autres domaines moins conventionnels.
L’influence socio-économique de la famille sur l’orientation
L’influence familiale ne se limite cependant pas aux valeurs et aux attentes. Le milieu socio-économique joue également un rôle majeur dans les choix d’études et d’orientation. Les familles plus aisées, par exemple, disposent de ressources et d’un capital social qui permettent à leurs enfants d’accéder plus facilement aux meilleures écoles et aux cursus les plus prestigieux.
Comme l’a indiqué l’Observatoire des inégalités en 2023, les données révèlent des disparités importantes en matière d’accès à l’enseignement supérieur. Seulement 7 % des enfants de milieux ouvriers atteignent un bac +5, contre 30 % des enfants de cadres. En effet, les parents issus de milieux favorisés peuvent fournir un soutien matériel et moral plus important, orientant leurs enfants vers les meilleures opportunités éducatives.
Pour les familles issues de milieux plus modestes, les obstacles sont nombreux. Souvent, les parents n’ont pas suivi de longues études et ne disposent pas des moyens financiers ou des connaissances nécessaires pour guider leurs enfants à travers le dédale des options d’orientation. Néanmoins, certains jeunes, confrontés à ces difficultés, développent une forte motivation à surmonter ces obstacles et se bâtir une carrière capable de briser le cercle de la pauvreté familiale.
Des limites à la méritocratie dans l'accès aux grandes écoles ?
Bien que les excellents résultats scolaires augmentent les chances d’accéder aux meilleures filières, cela ne suffit pas toujours pour garantir un accès équitable aux formations les plus prestigieuses. Selon une étude intitulée « Grandes écoles : des politiques d’ouverture sociale en échec », le concours, longtemps perçu comme un symbole de méritocratie en France, reste biaisé par des inégalités sociales profondes. D’après l’économiste S. Benveniste, les chances d’intégrer une grande école comme Sciences Po ou l’ESSEC sont multipliées par quasiment 100 si un parent est lui-même diplômé de l’une de ces institutions. Pour l’ENA, cette probabilité atteint 330. Ces chiffres révèlent que le capital familial joue un rôle décisif dans l’accès aux grandes écoles.
De plus, les inégalités géographiques sont marquées, avec les jeunes nés à Paris ayant 25 fois plus de chances d’intégrer une institution d’élite que ceux issus d’autres régions. Cette situation est renforcée par le fait que seulement 8 % des lycées les plus prisés fournissent la moitié des effectifs des grandes écoles. Selon une étude de l’Institut des Politiques Publiques, ces établissements, réputés pour leurs excellents taux de réussite au baccalauréat, concentrent une grande partie des futurs étudiants des écoles les plus sélectives. En comparaison, les lycées les moins cotés, qui représentent 50 % des établissements, ne produisent que 5 % des étudiants admis dans ces écoles.
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La quête d’indépendance et le rejet des attentes
Si l’influence familiale est généralement positive, elle peut également engendrer un effet de rejet chez certains étudiants. Le poids de l’héritage familial peut parfois être ressenti comme une contrainte. Les jeunes peuvent éprouver le besoin de s’en éloigner pour affirmer leur propre identité. Ce rejet peut se traduire par le choix d’une carrière différente, voire opposée à celle de leurs parents, en quête de sens, d’épanouissement personnel ou de créativité. Les nouvelles générations mettent davantage l’accent sur l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle et la quête de sens dans leur travail, ce qui peut entrer en conflit avec les attentes plus traditionnelles de leurs parents.
D’après une infographie réalisée par Sodexo, la réussite ne se mesure plus uniquement en termes de prestige ou de rémunération chez les jeunes diplômés, mais aussi en fonction de l’épanouissement et la satisfaction au travail. Cette redéfinition du succès peut créer des tensions au sein des familles, où les valeurs traditionnelles sont encore fortement ancrées. Le fossé entre les générations se creuse alors, et le dialogue intergénérationnel devient essentiel.
Comment concilier aspirations personnelles et influence familiale ?
La question de savoir s’il faut suivre les attentes de la famille ou écouter ses propres aspirations est un dilemme auquel de nombreux étudiants sont confrontés. Si l’influence familiale est inévitable, il est crucial de s’interroger sur ses propres motivations pour s’assurer que le choix final d’orientation est en adéquation avec ses valeurs et ses objectifs personnels. Pour éviter de subir une influence excessive de la famille, il est essentiel de développer une réflexion critique sur les choix d’études. Stages, forums d’orientation, échanges avec des professionnels extérieurs à la famille et discussions avec des professeurs peuvent leur permettre d’élargir leur horizon et de prendre du recul par rapport aux attentes familiales.
L’influence de la famille sur les choix d’études est à la fois une ressource précieuse et une source potentielle de tensions. Il est crucial pour tout étudiant de développer une autonomie dans ses choix afin de trouver un équilibre entre les attentes familiales et ses propres aspirations.