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Comment le président Erdogan veut faire de la Turquie une grande puissance mondiale ?

Depuis le début du XXIe siècle, la Turquie connait une transformation drastique qui la repositionne parmi les puissances influentes de la scène internationale. Sous la direction du président Recep Tayyip Erdoğan, le pays a su combiner renforcement militaire, diplomatie stratégique, et croissance économique pour s’affirmer comme un acteur majeur, tant au Moyen-Orient que dans d’autres régions. Cet article examine les différents aspects de cette renaissance turque.

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Le leadership politique et la vision stratégique

Recep Tayyip Erdoğan, au pouvoir depuis 2003 en tant que Premier ministre, puis président à partir de 2014, a joué un rôle central dans cette résurgence. Erdoğan a consolidé le pouvoir en Turquie, modifiant la constitution pour renforcer le rôle de la présidence, ce qui lui a permis de gouverner avec une autorité accrue. Cette concentration du pouvoir lui a donné la liberté de mener une politique étrangère plus ambitieuse, parfois en opposition aux intérêts des pays occidentaux.

La vision d’Erdoğan repose en grande partie sur une idéologie néo ottomane, visant à restaurer l’influence de la Turquie dans les régions qui faisaient autrefois partie de l’Empire ottoman. Cette orientation a fortement influencé la politique étrangère du pays, notamment dans les Balkans, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, et même en Afrique subsaharienne.

 

Indépendance militaire et avancées technologiques

L’un des piliers de la résurgence turque est le développement de son secteur militaire. La Turquie a investi massivement dans son industrie de défense, devenant non seulement plus autonome, mais également un exportateur important d’équipements militaires. Le drone Bayraktar TB2, produit par Baykar Technologies, en est l’exemple le plus emblématique. Utilisé dans divers conflits, comme ceux du Haut-Karabagh et de l’Ukraine, ce drone a prouvé l’efficacité de la technologie turque, positionnant le pays en tant que leader dans la guerre moderne.

Cette autonomie militaire permet à la Turquie de mener des opérations indépendantes, notamment en Syrie et en Libye, sans avoir besoin d’obtenir l’approbation des puissances occidentales. La capacité de la Turquie à projeter sa puissance militaire, combinée à sa position géographique stratégique, en fait un acteur clé pour la sécurité régionale, particulièrement au sein de l’OTAN, dont elle est membre depuis 1952.

 

Diplomatie ambiguë et rôle régional accru

La Turquie a adopté une politique étrangère dite “ambiguë“, naviguant habilement entre les grandes puissances mondiales pour maximiser ses avantages stratégiques. Cette approche se manifeste dans les relations complexes qu’Ankara entretient avec la Russie, les États-Unis, l’Union européenne, et les pays du Golfe.

Par exemple, l’achat du système de défense antimissile russe S-400 en 2019 a provoqué des tensions avec les États-Unis, mais Erdoğan a utilisé cette situation pour montrer l’indépendance de la Turquie vis-à-vis de l’Occident. Dans le même temps, Ankara continue de jouer un rôle crucial au sein de l’OTAN, en accueillant des bases militaires et en participant à des missions de sécurité collective.

En Méditerranée orientale, la Turquie a également intensifié sa présence, revendiquant des droits sur des zones maritimes riches en ressources énergétiques, ce qui a provoqué des tensions avec la Grèce et Chypre. Cette approche assertive s’est matérialisée par des accords maritimes avec la Libye, renforçant la position stratégique de la Turquie dans la région.

 

Une économie résiliente malgré les défis

Sur le plan économique, la Turquie a traversé des périodes difficiles, mais elle a montré une grande résilience face aux crises. L’économie turque est diversifiée, avec des secteurs comme l’industrie manufacturière, la construction, et l’agriculture qui continuent de croître malgré les turbulences. Erdoğan a mis en place de grands projets d’infrastructure, tels que le nouvel aéroport d’Istanbul, le troisième plus grand au monde, et le projet de canal d’Istanbul, visant à relier la mer Noire à la mer de Marmara.

Cependant, la Turquie est confrontée à des défis économiques majeurs, tels que l’inflation élevée, la dépréciation de la lire, et une dette extérieure croissante. Malgré ces obstacles, l’économie turque continue d’attirer des investissements étrangers, en partie grâce à sa main-d’œuvre jeune et dynamique et à sa position géographique stratégique entre l’Europe et l’Asie.

 

Conclusion

La renaissance de la Turquie sur la scène mondiale résulte d’une stratégie complexe mêlant ambitions régionales, développement militaire, résilience économique, et utilisation efficace du soft power. Si cette résurgence offre à la Turquie de nouvelles opportunités, elle s’accompagne également de défis importants, tant sur le plan interne qu’externe. La capacité de la Turquie à surmonter ces obstacles déterminera si elle peut maintenir et renforcer sa place parmi les grandes puissances mondiales. En attendant, Ankara continue de réaffirmer son rôle en tant qu’acteur clé de la géopolitique mondiale, marquant son retour au rang de puissance influente.

Cependant il est important de considérer les aspects négatifs de cette nouvelle Turquie. La centralisation du pouvoir sous Erdoğan, bien qu’elle ait permis une gouvernance plus cohérente, a également exacerbé les tensions internes. La répression des opposants politiques, la limitation des libertés de la presse et de la justice, ainsi que la montée de l’autoritarisme suscitent de vives inquiétudes quant à la stabilité démocratique du pays.

Quant à la politique étrangère agressive d’Ankara, bien qu’elle ait renforcé l’influence régionale de la Turquie, a également créé des frictions importantes avec ses voisins et ses alliés traditionnels. La montée des tensions en Méditerranée orientale, les divergences avec l’Union européenne, et les relations compliquées avec les États-Unis et la Russie pourraient isoler la Turquie sur la scène internationale si elles ne sont pas gérées avec soin.

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