Dans le monde professionnel moderne, où la surcharge de travail et ses effets sont souvent mis en avant, un autre fléau discret, mais tout aussi dévastateur gagne en importance : le bore-out. Ce syndrome, résultant d’un manque de stimulation au travail, présente des risques psychosociaux significatifs pour les salariés et des défis majeurs pour les entreprises. Comprendre et prévenir le bore-out est crucial pour maintenir un environnement de travail sain et productif.
Qu’est-ce que le bore-out ?
Le bore-out, ou “syndrome d’épuisement par l’ennui“, se réfère à l’épuisement mental et physique causé par une sous-utilisation chronique et un manque de stimulation au travail. Contrairement au burn-out, qui résulte d’une surcharge de travail, le bore-out découle d’une absence de tâches significatives et stimulantes.
La notion de bore-out a été mise en lumière pour la première fois en 1958 par les sociologues James G. March et Herbert A. Simon. Ils ont observé que malgré les efforts de rationalisation des entreprises, de nombreux employés souffraient d’une inactivité significative. Le terme “bore-out” a été formalisé en 2007 par les consultants suisses Peter Werder et Philippe Rothlin dans leur ouvrage “Diagnose Boreout”.
Bien que le bore-out semble être l’opposé du burn-out, les deux partagent des similitudes troublantes. Le burn-out est causé par une surcharge de travail tandis que le bore-out résulte d’un manque de défis. Le brown-out, quant à lui, survient lorsque les employés perdent leur motivation en raison de tâches qu’ils jugent inutiles ou éthiquement discutables. Ces trois syndromes conduisent à une souffrance significative et réelle liée au monde du travail.
Comprendre les causes
- Manque de travail : l’une des principales causes du bore-out est l’absence de travail suffisant. Les employés qui n’ont pas assez de tâches à accomplir éprouvent souvent des difficultés à rester engagés et productifs, ce qui entraîne des sentiments de frustration et d’ennui.
- Tâches monotones : les tâches répétitives et non stimulantes contribuent également au bore-out. Lorsque les employés effectuent les mêmes tâches jour après jour sans variation, ils deviennent désengagés et démotivés, impactant négativement leur satisfaction professionnelle.
- Surqualification : les employés surqualifiés pour leurs postes peuvent souffrir de bore-out, car leurs compétences et capacités sont sous-utilisées. Cette inadéquation entre les exigences du poste et les qualifications de l’employé mène à un manque de stimulation et de satisfaction au travail.
- Absence de progression de carrière : sans opportunités d’avancement ou de développement professionnel, les employés peuvent se sentir coincés dans leurs rôles actuels. Cette stagnation professionnelle engendre l’ennui et une perte de motivation.
- Manque de reconnaissance : le manque de reconnaissance pour leurs efforts peut démoraliser les employés, conduisant à des sentiments de dévalorisation et de désengagement. La reconnaissance et l’appréciation sont essentielles pour maintenir la motivation et le moral.
Les symptômes du bore-out
Le bore-out se manifeste par un ennui chronique, une frustration et un sentiment d’absence de but. Avec le temps, ces sentiments peuvent évoluer vers des conditions plus graves telles que la dépression et l’anxiété.
Physiquement, le bore-out peut entraîner de la fatigue, de l’insomnie et divers maux liés au stress. Le manque constant de stimulation peut également affaiblir le système immunitaire, rendant les individus plus vulnérables aux maladies.
Sur le plan professionnel, le bore-out peut entraîner une baisse de la productivité, un absentéisme accru et un taux de rotation du personnel plus élevé. Les employés souffrant de bore-out peuvent avoir du mal à accomplir même les tâches les plus simples, ce qui entraîne des erreurs et une diminution des performances.
Prévenir les risques
Les entreprises peuvent prévenir le bore-out en veillant à ce que les employés aient des tâches diversifiées et stimulantes. Il est essentiel de revoir et d’ajuster régulièrement les rôles professionnels pour correspondre aux compétences et aux intérêts des employés, afin de maintenir leur motivation et leur productivité.
Les managers doivent encourager une communication ouverte, permettant aux employés d’exprimer leurs préoccupations et proposer des améliorations. Offrir des opportunités de développement professionnel et reconnaître les efforts des employés peut également aider à prévenir le bore-out.
Les employés peuvent prendre des mesures proactives pour prévenir le bore-out en cherchant de nouveaux défis, en suivant des formations supplémentaires et en communiquant leurs besoins à leurs superviseurs. Prendre des pauses et participer à des activités en dehors du travail peut également contribuer à maintenir un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée.
Les chiffres du bore-out
Une étude récente du cabinet Ignition Program, spécialisé dans le conseil en ressources humaines, met en lumière des statistiques alarmantes sur le bore out parmi les salariés en France.
D’après leur baromètre lancé en avril 2023, environ 40 % des salariés se sentent en souffrance ou éprouvent un stress élevé. Ce baromètre identifie l’épuisement physique chez 51 % des participants et une distance émotionnelle et mentale chez près de 40 % des salariés, indicatives d’un désengagement notable du travail. Les jeunes adultes (18-25 ans) et les employés non-managers sont particulièrement touchés, avec des niveaux de désengagement plus élevés que la moyenne. L’étude révèle également des disparités significatives selon les secteurs, avec une surreprésentation de la souffrance dans les domaines de l’énergie, du transport et de l’administration, contrairement à la culture, les médias et l’immobilier qui semblent moins affectés.
Le cabinet souligne la nécessité d’actions RH concrètes et approfondies pour combattre ces risques psychosociaux. Celui-ci préconise une mise en avant des problématiques de la santé mentale au travail pour limiter les risques et ainsi améliorer la performance et le bien-être des salariés.